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catastrophes dont le choc m’atteint, je ne les ébruite que rarement. Pourquoi ferais-je des confidences à quoi personne ne s’intéresse, parce qu’elles n’ont trait qu’à des émois particuliers. Les prodigieuses sentences d’Hégel préoccupent moins les hommes que les décrets des rois. Toutes les calamitcs qui peuvent s’abattre sur moi n’impressionneront jamais les races autant que la grêle flambant sur les blés, la pluie ou la peite d’un héros. — Au reste, nul ne me comprendrait. Les sept ou huit jeunes hommes qui fréquentent ma pensée pressentent combien ils en sont loin. En présence de mes familiers, je me sais aussi solitaire que parmi les sables des déserts.

C’est pourquoi je ne leur confie que les extases et les soupirs dont j’ai surpris en eux le magnifique secret. De mes entreprises singulières, j’ai cessé de les entretenir et je ne m’en ouvre à personne. Pour celuici, ou celui-là, je simule des rêves différents, des félicités ou des nostalgies : je ne leur parle jamais d’euxmêmes, mais des fêtes, des gloires et des sentiments dont je les suppose susceptibles. — Quelques fois, j’en conçois d’affreuses mélancolies

C’est avec de telles émotions que j’ai approché cette petite Clarisse, de qui, tout de suite, je fus si épris ! Il ne me parut pas que celles-ci l’étonnassent. Au reste, il est assez plausible de croire qu’elle n’y a point pris garde. En tout cas et de toute façon, mes élégies inattendues n’offensaient aucunement sa joyeuse innocence.