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renaître l’un dans l’autre. Mon sang et ma chair tressaillaient. »

Par la suite je suis redevenu infiniment mélancolique, car l’obscur azur s’épaissit, précipitant un crépuscule compact, et Clarisse ne répondait point. — « Hélas I pourquoi vous taire encore ? Peut-être est-ce la première journée de ravissement. N’écoutez point les rossignols, mais pensez que mon âme frissonne I Les souhaits que vous iites de m’aimer toujours, n’y êtesvous plus si attentive ! Pour moi je me souviens de mes serments. Longtemps je crus très superflue l’extrême richesse de vos attraits, car je m’imaginai n’être épris que d’Amour. Mais comme cette notion me déplaît ! Aujourd’hui vous m’êtes chère, à cause de vos vertus, et vos beaux yeux nourrissent les flammes de ma passion. J’ai peur de vous offenser. Le respect dont je suis ébloui, à l’égard de Dieu et des demoiselles, m’incline donc à croire que mes descriptions et les magnifiques hymnes que j’ai pu composer n’ont fait qu’en froisser la pudeur et en défigurer le sens. »

Vous savez, vous savez, Clarisse, que peu d’ambitions m’infatuent, et si je ne me méprise point c’est parce que mes méditations s’honorent de la louange des héros. Mes sentences ne périront pas. D’ailleurs, des défiances me troublent. Vous m’êtes, ô Clarisse, plus précieuse que la petite servante candide que j’ai conçue en mon esprit. Je vous vénère davantage, mais je sais qu’il m’était possible d’immobiliser votre image, pour des temps, dans l’éternité. Je vous ai voulue stricte, indestructible. Le dessein que j’avais formé n’était point futile ni fugace, mais je me proposai de purifier votre