Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée

point sans véhémence. Nous comprîmes noire isolement. Le monde, dehors, nous sembla mort et les hommes qui s’y agitaient s’immobilisèrent comme des blocs. On s’en désintéressa. »

« De quelle pudeur, dès lors, ne fûmes-nous pas ornés. Nous connûmes mieux la beauté. Il vous plut d’anoblir cette humble habitation. Vous eûtes des regards pour la hûche, et le puits du parc vous préoccupa. Dans cet étroit univers tout nous sembla paré -des plus extrêmes attraits. Dès que vous touchez un objet je ne l’envisage plus qu’avec vénération. Le verre tout empourpré de vin, dont vous avez usé pour boire, la bleuâtre et creuse coupe de miel, la belle armoire d’un bois solide où s’ébrouent, sculptées, de noires oréades, tant d’estampes d’un goût rococo, desquelles vous faites toutes vos délices, à cause de leurs \ertus et par l’effet des vôtres, comme je les vénère, ô ma blanche amante ! En effet, et sont des témoins. Un peu de notre âme s’y est insinuée ; je les considère aujourd’hui comme de fragiles gages de l’amour et ils conservent l’empreinte de notre eucharystie. »

« O la table où tu t’accoudas, — les linges, — blancs fantômes, transparences, signes suaves de nos métamorphoses, — la fine tasse d’étain où, l’un après l’autre, nous posâmes fiévreusement nos lèvres, voilà des monuments de notre adoration. Là, sont inscrits les chants du monde. »

Je parle ainsi, puis je me tais. Clarisse sourit déli•cieusement. Dieu, qu’elle est belle au crépuscule ! Un printemps nocturne chante dans la prairie. « O mon Amour, viens près de moi. » Je ne lui dis rien, elle