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Si je convoque la troupe des strophes retentissantes en l’honneur de cette blanche colline, ce n’est point leur grâce qui m’occupe, mais l’approbation des roses qui y brillent et des prairies qui descendent sur ses pentes. Leur obscure flamme se précipite en moi. Je vois bondir les vallons blonds et des cimes gémissent vers l’azur. Alors je deviens un héros divin. Sur le front des monts je m’incline. Terrible à l’égal du vieux Pan, jembrasse les grandes mers monstrueuses, dont le souffle emporte les pins du rivage. Je perds la notion de l’espace. Me voici en face de Dieu même. De mes solides bras ingénus je saisis le flanc des tumultueuses plaines. L’orage des stances roule sur la mer. O larmes, ô sanglots, torrents des désirs, sonores forêts de fièvre, extase, flammes et tempêtes !

Ainsi, j’en garde la certitude, par l’entremise des odes et des romances, j’ai su reconquérir l’amour du monde. Les coquelicots m’adorent non moins que le matin. Mes étreintes sont graves et ardentes. Une pleine soumission me rend frère des dieux. De surprendre la vicissitude ou la béatitude de ces petites personnes, je deviens semblable à elles-mêmes et mes veines charrient la sève des herbages, l’âpre et noire résine des sapins ou l’éther des étoiles lointaines.

Il est possible pourtant que j’aie échoué hier. Pénétré du plus beau respect quand j’envisage un personnage quelconque, je crains sans cesse d’agir comme si ce sentiment m’était obscur. L’amour, que m’inspirent le ciel et la terre, me trouve naïf et pudibond. Il semble que j’aie froissé une multitude d’écuelles, les verdoyantes laitues, et le vieux hêtre aussi, le ciel qui