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des matins de colombes, en sorte que cette souffrance d’hier m’est devenue extrêmement lointaine.

Peut-être l’affreuse bassesse des hommes m’avait-elle empli de son amertume. Des amis sur qui je comptais trompèrent l’indulgence de ma mansuétude. Le bel agneau blanc expira. Pourtant je le sens bien, ce qui me désolait, ce n’était point tant réellement, ces circonstances si malheureuses qu’une mélancolie montée de l’abîme. — J’éprouve, parfois, l’étreinte de l’ombre. Une ruche brille, des blés flambent, J’eau chante, on ne peut expliquer cela. Il semble que l’on soit le témoin de sa propre disparition. Une partie de soi s’effrite, dépérit. On pressent la perte d’un trésor confus. On ne comprend pas, rien n’aura plus lieu. Ceux qui n’ont point senti, en eux, ce ténébreux vertige de l’âme, ah ! que distingueront-ils de ma pensée !

Le véridique, le réel, le certain, c’est que, durant toute cette époque, un orage de larmes roula dans mon cœur. Je ne parus pas, pourtant, moins joyeux. J’ai pris l’habitude de sourire. Personne ne put rien présumer du tumulte intérieur dont j’t-tais frémissant. Malgré leur perspicacité, mes subtils amis me pensaient placide. Mais, de peur que mes confidences ne les trouvassent point disponibles, je m’interdis de leur en faire. Il m’aurait déplu de les détromper. Je les laissai donc dans l’erreur. Enfin,-et au surplus, ce fut sans doute aussi parce que, strictement, j’ignorais ce que j’aurais pu leur confier.

Dans cette situation d’esprit, je n’étais tenté que par l’imprévu, et bien de.s êtres me déplaisaient dont la vue naguère m’était délicieuse. J’eus accepté toute