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passât. Magnifiquement pauvre, il entre aux bonnes routes, à travers les docks, les môles et les bois. Il a tout vu, tout senti, tout connu. Il a accompli le périple du monde. Des quatre espaces de l’horizon, il a vu s’avancer les petites âmes vivantes, comme une riche caravane d’exil.

Il vous ressemble, il le sait bien et il se contemple en effet. Il vous connut dès les plus anciens jours. A votre innocence, et à vos soupirs, il comprend l’étendue d’un site beau et plausible, la blanche maison patriarcale et la solide table où fleurit le pain. Ainsi qu’à travers une explicite vitre, il considère l’intimité de chaque conscience. Vous mangez, vous baisez, il le sait et se tait. Votre intérieur cénobitique, glacial ou humble, il l’a étudié et le mur frémit. Votre âme en chantant lui sourit parce qu’il est le suprême époux. Elle se confie à lui plus intégralement qu’à vous-même. En effet, les soins du labeur appellent dehors votre attention, — on a peur de vous déranger. Elle s’avance et elle se prosterne. Voici la divine infidèle.

Ce qu’il chante, au gré des hasards, quelque esprit sublime le lui chuchota. Il vous a vu trembler et rire. C’est lui qui a volé la clef de votre enclos. Il entre où il veut et il est chez vous. En vérité, il est perpétuellement chez vous. Partout, ici et là, il écoute vos pensées. Les embûches qu’il vous a tendues, qui donc pourrait les éviter. On dirait qu’il demeure immortellement candide. Il surprend les lois de votre univers. Il n’ignore rien de vos profondes palpitations. Le lieu où vous êtesné, et toutes vos confidences, lesplus minuscules de vos sentiments : il n’est rien de vous qu’il n’ait point conçu.