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de Faim, plaintes si intenses pourtant, et d’un effroi d’enfer ! L’obscur génie qui le dévore me touche moins que son infortune. Son œuvre impétueuse, tumultueuse, en a prédit les conjonctures. Les actions dont il s’attribuait la magnifique férocité, ici et là, dans ses poèmes, plus tard, il les réalisa. Il y était prédestiné. Des instinctsdieux le gouvernèrent. Il passa par les aventures qu’il racontait. Dans le temps où il écrivait Guerre et Une Saison en Enfer, il s’enfiévrait seulement sur d’expressives fictions. Cependant, par le tour inattendu qu’elle prit, son existence en restitue l’intacte et atroce atmosphère, les azurs, les péripéties.

Vers 1874, il quitta tout à coup la France, et personne ici ne l’a plus revu. Dès lors on ne rapporte plus rien que ne diffuse l’incertitude. Il vécut comme un ange lucide, ivre et ardent. Je le vois triste, émerveillé éternellement. On l’a rencontré en Hollande, parmi ces rouges régions spongieuses, claires, tout enflammées d’aubes de tulipes d’or ; — il a parcouru les Balkans ; — ensuite on le retrouve dans les monts du Harar. — La nature, partout, l’exaltait. Il eut d’étonnantes aventures, dont aucune, sans doute, ne le contenta.

Le tragique, l’affreux, l’effrayant destin ! Tant d’histoires ont fleuri autour, et elles demeurent si vaines et excessives, vraiment, que je ne les raconterai pas. A peine adulte, il en distinguait l’épouvante. S’il a écrit ces strophes pressées d’une couleur sanguine, si cruelle, ce ne fut point par passe-temps ou par jeu. Je vois là les sites faux où il rêvait de vivre. Il y a une extrême logique dans ses extravagantes songeries. Il chanta les crimes qu’il eût accomplis. Ses poésies, pour la plupart,