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amante, une fleur ou un ami, convenez qu’un poème le demeure encore davantage. A celui-ci on peut Se fier Comme à un mélodieux écho. Galathée, une statue, Léandre, Hâmlet, Werther, voilà des personnages confidentiels ! Notre âme s’y incarne et y ressuscite. Leur fictive grandeur nous console de la. stagnation des jours fades. Le plus brutal en garde, éperdu, l’éblouissement. Bien que nous soyons graves et assoupis, la parfaite force de ces allégoriques seigneurs nous émotionne. Toutes les petites filles, glacées, blanches d’ëffroi, palpitent de l’émoi immense d’Ophélie. Il semble que nous aimions d’autant plus les vertus, l’épouvante, le sang ou la joie, au théâtre e( dans les romans, que leur aspect, ailleurs, nous effraie davantage. En vérité, on ne sait pas. Aucun homme n’accomplit sa totale destinée. La vie se passe à de pâles -jeux, de ci, de là, ceci et rien ! Immobiles, debout, pacifiques, au seuil de la maison familiale et urbaine, nous. regardons vers la blanche route de l’horizon. Ainsi, nous attendons, et rien ne poudroie et nous restons là. Personne ne comprend son espoir. Peut-être est-ce un héros, un dieu, l’Amour, l’Aurore ? -. Le grand homme est celui qui connaît son attente. Il sait vivre, ici, étranger, proscrit. Il crée le paysage, la bourgade, le ciel, le peuple et l’épouse élusdeses vœux. S’il compose des drames c’est par subterfuge. Là, il reconstruit -l’idéale contrée, il y simule l’action pour de fausses aventures. Le pressentiment qu’il eut de soimême, de sa carrière et de son rôle, il le dépose en quelque imaginaire statue.

Un admirable exemple de tout cela : Rimbaud ; Je