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trapues, suivant la contrée. Il semble qu’ici, l’homme recrée l’univers. Ces lourds blocs conquis sur les monts, il les broie, les taille à sa guise. Il leur communique ses frissons. Observant les lois primordiales du monde il entasse des roches cimentées. Strict, il élève un ciel p*lâtreux, limite son univers à l’horizon mural, se contracte en soi, avec apathie.

Si le paysage lui a imposé ses rayonnantes masses rocailleuses, les nuances vivaces de ses végétaux, l’inflexion concave ou sinueuse des murs, — la construction de l’intérieur dépend tout entière de l’homme. Ce sont ses émois, ses joies et les intimités quotidiennes qui eu différencient l’aspect et l’attribut. La variété des pièces exprime son industrie, ses passions, les nécessités de ses instants. L’usuel de ses jours y est consacré. Je ne conçois rien de plus beau. Une statue éclatante, Gcethe ni Xénophon ne passent le pathétique d’un château, d’une cabane. L’habitude de boire, de baiser à de particulières minutes, je l’appelle prévision de Dieu, docilité aux destinées physiques ! Ainsi partout, toujours, la diversité des salles corrobore celle de nos trafics, de notre émotion et de nos coutumes.

L’âme humaine mêlée à un site, voilà la signification d’un édifice. Là seulement nous communions, il y a, je sais, transsubstantatiôn. L’expression d’un toit s’éclaire dans l’aurore. A l’étroite verrerie d’une fenêtre, il semble que rayonnent nos yeux vitrifiés. Parmi le portail, le fronton, — l’homme palpite, bouillonne, sang et chair, — infusé au plâtre et aux poutres.