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que nous voilà lassés. Nos désirs supplient des héros, déjà, moins sanglants, moins cruels et nous les espérons magnifiquement.

Ah ! créer comme Dieu même enfin ! Aux plages et ,aux prairies, à l’aube, aux jeunes roses, aux sauvages peuplades restituer leur beauté antique ! La nature -attend grondante de douceurs, qu’un héroïque génie la régénère.

Ces pathétiques personnes (Lucinde, Ophélie, Hamlet, Andromaque) si elles nous ont émus ce fut moins •d’être exquises, véridiques et humaines que par leur très tendre infortune. Les circonstances les créèrent. Ophélie ni Hamlet ne nous eussent jamais passionnés sans l’imprévu de leurs maux. Du dieu qui les habite aucun ne s’inquiéta. Ils cesseraient de nous émouvoir dans le repos et la sécurité. Etreints d’une rayonnante douleur ils en palpitèrent jusqu’à l’incarner. Ils devinrent tragiques, tumultueux dès l’instant que nous le voulûmes. Ils nous apparurent prophétiques. Les péripéties de leur destinée nous ont prédit ou relaté les nôtres.

Quoi ! nul ne nous impressionne hors les héros de nos pensées, quiconque en joue l’exploit, les multiplie. Mais pourquoi user de tels stratagèmes, le sang et le poison, de rouges tempêtes d’épées dans l’ombre, l’impétueux tumulte des batailles ? Par le spectacle de ces prodigieuses aventures des grands poètes ont substitué, hélas ! à l’homme, d’étranges petites personnes tremblantes. Combien peu vraiment nous importent les pures destinées d’un maçon ou d’un menuisier, et il