Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée

hameau, ici et là, partout. Et où serai-je demain ? — Puis plus douloureux, il ajoute : < Hélas ! ne te souvienstu pas ? nous nous sommes aimés le long des grands blés. Ce fut tendre, exquis, religieux. Tu travaillais dans la campagne. L’herbe était chaude et odorante. Les prairies retentirent, se hérissant de roses. Notre amour naquit du vent et des fleurs. Tu ne t’en souviendras donc pas ? — L’été pénétra dans le parc. De vivacçs guirlandes d’or reluisent. A table on parlait bas, après le bon labeur, dans la plaine tout en feu. Un soir tu m’offris des fruits desséchés. Je t’ai aimée comme toutes les choses. La terre nous fut bonne, maternelle. On me voulut triste et la nuit tomba. » • Les chants se désolent de leur élégie. Un coq crie écarlate, sonore. Au milieu des pailles lourdes brasillent de riches lumières. L’étable est chaude de foin brûlé. De fraîches roses grimpent comme de hautes flammes, le long du mur. Miroitantes, les grandes ruches se turent. Le ciel se consume en fumée. La forêt, feuille à feuille, fleur à fleur, se recueille. On entend chuchoter le rêve énorme des mers.

Elise s’efface, crépusculaire. Pour lui, il sourit comme on pleure. Ils ne se distinguent plus tant la froide ténèbre tombée est épaisse.

Par la porte qui s’est tout à coup ouverte, ils voient la pièce basse, pavée de brique dure. La muraille pauvre éblouit à cause de la lampe crépitante. Sur la table en bois brillent des pains, des fruits, des faïences. Elle est entrée et lui, il part. Le ciel est doux.