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éternelle des jours. Là-bas, la mer tonne, éclate sur les sables. Par-dessus d’arides dunes rocailleuses, palpitantes d’ajoncs, ils aperçoivent-l’horizon bleu. Les claires vagues brasillent, portant des- écumes. Goudronneuses des barques se balancent.

Au long du chemin des gens les saluent, laboureurs, matelots et ruraux. Elle ne leur sourit point ainsi qu’il est coutume. Leur aspect témoigne de sa solitude. Si intime et si familière elle sent d’autant plus la tristesse de l’autre.

« Les moissons sont finies, dit-il. Les grands blés bien liés flamboient aux meules creuses ! »

Elle comprend. Il regarde les grondantes chaumières, la mer et le hameau très blanc. Tout lui demeure étranger. Il a vécu là, isolé, il s’est courbé sur la prairie et les sillons. Ah ! la mélancolie des lieux qu’il faut quitter. Un peu de notre âme y persiste. Certaines émotions qu’ils nous inspirèrent, à jamais. resteront dormantes, dissipées. La route sonne sous les pas. Il y a des forêts, des villages, des objets que l’on quitte avec l’inquiétude la crainte d’y laisser de son ombre. Le puits et l’enclos, les coqs, le foyer, la fraîche margelle verte, comme nous vécûmes près d’eux, par leur vertu, peut-être, à leur sujet, aussi nos pensées les vêtent, les animent. Leur aspect chuchote un secret tremblant. Ce qu’ils suscitaient s’effrite, n’a plus lieu dès que nous partons. Une maison, où l’on habita, n’est-ce un peu comme un corps, d’où l’âme, ailes larges, s’envole.

Ainsi, il pensait, allant par la route. Elle, gaie et blanche, pure petite fille, sans cesser de jouer, marchait près de lui. Elle a cueilli des joncs, des herbes marines