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cependant pas pu devenir, même si le hameau et les races les y avaient autorisés. Réduits à l’inertie et au silence de l’ombre, ils ont dû composer ces amoureuses églogues dont le rythme imite des cadences d’étoiles, et que scandent le pas des bergers, leur souffle et leur soupir, l’allégresse de la plaine. Ecarlate, leur sang se congela aux profondes veines des hautes statues. Ils leur soufflèrent des plaintes, des rires, et ils les animent de leurs pulsations.

Cette héroïque nostalgie, telle est la condition de nos desseins. Au reste, malgré tout, l’été et la lune, les batailles qui hérissent des tonnerres sur les piques, les tumultes, les rumeurs, la nuit, un homme, toujours, devient le victorieux héros que nécessitent sa race, le destin des cités. — La constance de notre esclavage en présuppose l’acceptation. — Tout enfin, dit-on, demeure pour le mieux dans le meilleur des univers possibles.

Acceptons cela et arrêtons-nous. — Peu importent nos secrets caprices, et les entreprises que nous composons, car Dieu lui même n’y prend pas garde. Ce n’est point sur votre élégance sentimentale, ni sur les parades de votre âme, ni sur le caractère de vos petites passions que je préjugerai de votre héroïsme. Afin de constituer le sens de votre état, je ne vous demande point si vous avez lu Gœthe, mais seulement de quoi vous occupez-vous ? Que faites-vous ? Au bord de quel sonore rivage vous êtes-vous bâtie une habitation ? Dites-moi le pays de votre extraction ? Ainsi tout entiers, je vous vois, strictement, je sais votre heureux destin, les pensées quotidiennes d’un dieu.