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je me souviendrai du sang que charrient mes veines rouges, Hésiode me sera favorable et Eumée non moins que Napoléon de qui je possède l’héritage d’instincts.

Ah ! soumettons-nous donc à la fortune ! Quiconque se sacrifie paraît resplendissant. Je pense que nous sommes d’autant plus sublimes que moins de tentations, d’extases et d’entreprises nous rendent singuliers. Ce n’est point par ses vertus propres qu’un homme gagne une héroïque gloire, mais à cause d’actions, de farouches travaux. Il est possible que ce passant s’empare, tôt ou tard, aujourd’hui.ou demain, de la haute montagne blanche et des provinces prochaines. On ne le sait pas, et nul n’y peut rien. Nous sommes lourds, magnifiques d’éclat.

Dès l’instant qu’un homme n’occupe plus le monde de ses mérites particuliers, mais tout au contraire les néglige pour la victoire et la plus grande splendeur humaines, sa présence devient solennelle ; — acceptons notre état, car tout est identique. — Celui-ci connaît son opprobre, et il n’ignore point sa médiocrité, il ne tente pas de nous séduire par des innocences, des rires, des détresses, mais il travaille tendre et usuel. Une gerbe, une petite urne d’étain, une violette, eu un coquillage, voilà son hostie et ses dons. Il demeure là ; il se résigne ébloui et stable. Peut-être possède-t-il le génie d’Ausone. Cependant il ne composera aucune églogue. Son extraction le satisfait, il trouve suffisante sa carrière, et il accueille son infortune.

Dans la joyeuse acceptation du monde j’ai acquis mes plus opportunes félicités. Cet esclavage m’enchante et je