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ce n’est, croyez-le, pour Dante et Eschyle que le plus mobile stratagème. L’intention peut être prise pour l’acte. Aux gens du coteau et du bourg on substitue de faux guerriers, dont la compagnie enchante nos langueurs. Des crimes de Pyrrhus, de sa cruauté et de ses conquêtes, chacun se présage fort capable. Un prétexte à resplendir, voilà ce que nous cherchons. Virtuellement, nous sommes bons, féroces, rois d’Ethiopie ou de Thrace, pirates, flibustiers, placides traficants, blancs pasteurs d’innocence sur la cime d’une montagne. Un homme est beau et lourd de probabilités. Ses soupirs, ses rires, ses patiences l’expriment et dans ses potentialités, celui-ci jamais ne passe celui-là, car nos désirs briguent tous les rôles, la haine et l’amour, tour à tour.

Notre extraordinaire présomption suscite seulement des turbulences. A toutes les minutes de notre être, on tente d’en traduire l’aspect et le sens. Réaliser son âme, avec exactitude, l’éclairer, l’éblouir, c’est notre intention ! Afin d’expliquer ma joyeuse conscience, j’aurais conquis des plaines, pacifié les mers rondes, meurtri et tué des peuples. — Je me serais fait pâtre ou charpentier. Les avantages et les honneurs que je me jugeai capable d’acquérir, je les désire moins aujourd’hui. Mais il faut s’exprimer, sans plus, n’importe comment. Dans cette situation d’esprit je composerai des paraboles dont les scènes feintes et ingénues retraceront celles de ma pensée et me restitueront intégralement. Me voici docile à l’amiable. Je me suis voulu statuaire d’hommes.

Il semble que nous vivions confusément. De stupéfiantes