Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

se passe parmi des actions dont l’extravagance nous séduits, car elles solemnisent nos petites passions. Un héros nous réhabilite et nous nous infatuons de sa fraternité-. Afin de resplendir il faut lui ressembler. Ainsi nous préférons exister commePlaton, ïhémistocle, Orose ou Hamlet, et pourvu que leurs entreprises figurent celles de nos tentations, nous sommes persuadés de notre héroïsme. D’ailleurs chacun se sait incapable d’y atteindre, mais leur mémoire seule nous transporte comme s’il s’agissait de notre histoire même.

Ce que conjecture notre âme ambitieuse, vraiment nous douterions de le réaliser. Les plus surprenantes et les plus pompeuses des fortunes, nous les présageons trop fragiles. On rêve qu’elles pourraient être plus belles. C’est que nos intentions s’emportent prodigieusement. A cause d’impatients avantages, nous prétendons conquérir des empires. Réduits à une sombre inertie, nous imaginons de tragiques travaux. Aucune gloire ne nous comble, enfin ! Il suffit de quelque événement pour que bondisse un beau héros à la place de ce paysan dont nous méprisions l’apparente bassesse. Des fastes et des triomphes certains, nous prévoyons cela, chacun. Voilà le secret des poètes. — Te l’ai dit déjà, mais personne n’entend. — I .eurs fictions forment le préambule de nos destins accomplis. Ils se consolent de leur exil par des églogues, l’évocation des dieux. Ainsi tant d’héroïques lectures restituent à l’homme sa beauté profonde. Leur rouge énergie y trouve un emploi, selon le jeu des scènA, les intrigues, la tempête. A force de palpiter de l’émoi que simulent d’imaginaires personnes, celles-ci s’cm-.