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le bilan du nationalisme

Mais le nationalisme ne se vante pas seulement de surexciter des instincts ; il se préoccupe de ressusciter des traditions. Quelles sont donc celles qu’il ira chercher de préférence dans notre histoire, pour les faire passer au premier plan ?

Il en est une, d’abord, à l’égard de laquelle les nationalistes éprouvent une antipathie manifeste ; c’est précisément celle qui est à nos yeux comme le centre de notre évolution nationale, le point d’aboutissement de notre passé, le point de départ de notre avenir : c’est la tradition de la Révolution française. Les principes de 89 gênent ces nouveaux « patriotes ». Ils voudraient les rayer de nos papiers. Et tantôt ils consentent à reconnaître que ces principes sont l’expression du tempérament français : ils ajoutent alors que ce tempérament nous a égarés ; la tradition de 89 devient, à leurs yeux, ce que M. Bourget appelle « l’erreur française » par excellence. Plus souvent, se rappelant que leur doctrine leur commande de retenir toutes les traditions nationales, ils s’acharnent à démontrer qu’il ny a point, parmi celles-ci, de place pour l’idée des droits de l’homme. Il faut qu’elle soit venue du dehors : c’est dans notre organisme un corps