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le bilan du nationalisme

On a essayé, nous le savons, de donner une couleur scientifique à ce sentiment antisémite. Drumont disait volontiers : « Nous autres sociologues… Mon prédécesseur Taine… » Et il semblait que la science qui cherche dans leur composition ethnique les raisons de la destinée des peuples, que « l’anthroposociologie » vint à point pour confirmer sa théorie. Mais nous savons, aussi que l’illusion a peu duré. A mesure que la sociologie proprement dite s’est développée, l’idée de race a dû battre en retraite. On a compris que si l’on peut expliquer la destinée des peuples, c’est bien plutôt par leur organisation sociale que par leur composition ethnique. On a rappelé que la nation française n’est pas une race, mais un amalgame de races diverses, et qu’aucun fait ne démontre la race juive incapable de s’assimiler à la nation française. On a prouvé enfin de vingt façons que l’antisémitisme n’avait de scientifique que le masque, qu’il exploitait des théories abandonnées par la science, qu’il vivait sur des cadavres.

Avec ses appels aux sentiments intimes et aux instinct profonds, la doctrine nationaliste arrivait à propos pour renforcer l’antisémitisme ébranlé. Si vous avez causé avec des antisémites, vous avez remarqué la nature de leur argument de réserve. Lorsque