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le bilan du nationalisme

occupant de hautes situations en France dépasse la proportion normale, légitime, convenable. Conception singulière, qui aboutirait à classer les citoyens français d’après leur race et leur religion, et à assigner d’avance le tant pour cent de hautes situations auxquelles chaque religion ou chaque race aurait droit… M. Lemaître, de son côté, dans le beau discours par lequel il inaugurait la Ligue de la Pairie française, protestait quïl ne saurait jeter Panathème à une race qui a donné Spinosa à l’humanité. Mais, dès ce moment, c’étaient les cris : « À bas les juifs ! Mort aux juifs ! » qui lui répondaient. Ce sont ces cris qui scanderont tous ses discours eu province. En dépit de ses délicatesses, c’est sur les épaules de l’antisémitisme qu’il s’est laissé porter. Aussi bien les autres intellectuels notoires du nationalisme font-ils moins de manières. Ils n’y vont pas par quatre chemins. Ils adhèrent à l’antisémitisme en toute tranquillité de conscience. À la suite du savant dont M. Barrès célébrait lyriquement la conversion au nationalisme, de Jules Soury, ils adoptent volontiers la philosophie de l’histoire assez simple que l’on connaît : la nation française est malade parce que la race sémite s’est abattue sur elle ; débarrassons-nous des juifs, et tout ira pour le mieux dans le plus pur des pays.