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le bilan du nationalisme

tions de notre passé national ni aucun des instincts de nos âmes françaises, dans lesquels ces traditions se sont comme incarnées par une longue hérédité. Nous aspirons, dit M. Barrès, « à nous confondre avec toutes les heures de l’histoire de France, à vivre avec tous ses morts, à ne nous mettre en dehors d’aucune de ses expériences. » Aimer toute notre patrie avec toute notre âme, voilà notre programme.

Et l’on comprend bien que ce programme est, suivant la formule de M. J. Lemaître, « généreux et ample, capable d’émouvoir l’imagination et le cœur du peuple, et très propre à servir de ralliement et de drapeau ». Mais l’on s’aperçoit vite aussi combien il est malaisé de s’y tenir. Avec de pareils appels, on peut bien rassembler un moment les gens, mais non les orienter dans l’action. Car, n’en déplaise au fatalisme nationaliste : agir c’est choisir. Pour une nation, comme pour un individu, la vie est un choix incessamment renouvelé. Penchera-t-on à droite ou à gauche ? vers l’Orient ou vers l’Occident ? Pour ces décisions nécessaires, la doctrine nationaliste, telle qu’elle vient de se définir — ou plutôt telle qu’elle a refusé de se définir, est un guide manifestement insuffisant. En vain attendons-nous l’oracle du puits intérieur. Les morts qui parlent en nous y par-