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le bilan du nationalisme

de mystère. Son premier trait, c’est la défiance à l’égard des idées claires et distinctes, et une sorte d’horreur mystique de la raison. Elle reproche aux intellectuels d’abuser de la logique. Elle se dérobe à la discussion par un appel aux « instincts sous-jacents ». Ils dorment dans les profondeurs sacrées de l’inconscient. Gardons-nous d’y porter la lumière : ce serait imprudent et comme impie...

Avec une pareille méthode, il n’est pas étonnant que les nationalistes laissent dans le vague ce qu’ils prétendent ajouter au patriotisme. Leur spécialité est de porter et d’entretenir le sentiment patriotique à l’état d’ébullition. Il se dégage de là beaucoup de vapeur, sans doute, mais peu de clarté. Le résultat qu’on nous promet de l’opération, c’est de l’extrait triple, de la quintessence et comme de l’alcool de patriotisme. De l’alcool, à coup sur, et plus propre à provoquer des gestes désordonnés que des démarches raisonnées... Et, en effet, il faut, suivant les nationalistes, raisonner le moins possible. Le patriotisme est et doit rester, sous peine de mort, « irraisonné, » « irrationnel, » « anticritique ». Raisonner, ce serait déjà admettre la critique et le choix. Or, nous ne voulons pas choisir. La patrie est un bloc. Nous entendons n’exclure aucune des tradi-