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solidarisme et libéralisme

et ce qui rapproche et identifie les hommes ; entre les appétits de conservation propre et les facultés de communion universelle. Et c’est de celles-ci seulement qu’ils prêchaient le culte.

Mais il faut reconnaître que de faux dieux ont souvent usurpé, dans l’esprit des hommes, la place de ces dieux véritables. Sous le couvert des principes individualistes, on a vu se développer des sentiments essentiellement antisociaux : l’ambition de l’homme d’affaires, le dédain du dilettante. Et celui-là semblait dire : « Chacun pour soi. Au nom de l’égale liberté, laissez-nous lutter sans intervenir. Et tant pis pour ceux que ma puissance écrase ! » — Chacun chez soi, semblait dire l’autre. Au nom de mes devoirs envers moi-même, il importe que je me détourne des foules. Le culte du moi veut être célébré dans l’isolement. » Au confluent de ces deux tendances apparaissait la figure du surhomme, où l’on retrouve à la fois de l’ambitieux et de l’artiste, du dominateur et de l’esthète — poète en même temps qu’homme de proie et désireux de s’élever au-dessus de la masse pour s’élever au-dessus de lui-même. Contre ces déviations la philosophie de la solidarité nous met en garde. Elle nous ramène sur la terre et nous rattache étroitement à nos semblables. Elle nous rap-