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solidarisme et libéralisme

que tous les efforts qui tendent aujourd’hui à décharger le déshérité ne sont en vérité que justice. Tous les arguments que le solidarisme a lancés viennent en un mot retomber sur la barrière que les individualistes intransigeants avaient dressée entre le règne de la loi et le règne de l’amour. En recherchant les raisons d’être objectives de la fraternité, il lui fournit des titres juridiques ; il l’aide à descendre dans la réalité des codes ; il ajoute, suivant les propres expressions de M. Bourgeois, à la Déclaration des Droits une Déclaration des Devoirs. Il répond ainsi à l’une des préoccupations maîtresses de notre époque, qui est de socialiser, afin de l’humaniser, le droit lui-même.

D’une façon plus générale, l’enseignement de la solidarité permettra de réagir heureusement contre ces déformations, dégradations et rétrécissements de l’individualisme dont le XIXe siècle a vu plus d’un exemple. On sait que les adversaires de l’individualisme affectent volontiers de le confondre avec l’egoïsme, et d’y voir on ne sait quelle hypertrophie du Moi. Il est aisé de leur répondre que ce péché n’est à aucun degré celui de la grande doctrine qui s’élaborait à la fin du XVIIIe siècle. Ses fondateurs distinguaient formellement entre l’individualité et la personnalité ; entre ce qui isole et divise