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solidarisme et libéralisme

vite déréglé par l’arbitraire de la philanthropie. Qu’il soit donc entendu que la charité, si elle est un devoir, est un devoir large et non un devoir strict. La société n’a ni à le définir ni à le sanctionner, car il ne correspond pas à un droit, Et il importe que le cercle rigide du droit reste fermé aux fantaisies de l’amour.

Le solidarisme élargit méthodiquement ce cercle. En nous invitant à respecter les contrats latents aussi bien que les contrats explicites, il déplace et reporte au loin la borne de nos obligations. En nous rappelant que les individus ne sauraient que faire de leurs égales libertés, si préalablement ils ne s’étaient entr’aidés, et n’avaient été aidés par la société, il nous découvre que la part imposable de nos biens et de notre activité est autrement étendue que nous le pensions. Averti par ces observations systématisées, l’homme de bien sait qu’en faisant le bien, il règle une dette : la charité ne lui apparait plus dès lors comme une vertu de luxe ; elle n’est plus seulement, comme dit M. Goblot, un don de soi, mais bien une restitution de soi. Si surtout le privilégié se rend compte que la répartition actuelle des bénéfices et des charges, dont il profite et dont tant d’autres souffrent, est le résultat des injustices antérieures accumulées, alors il comprend mieux