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solidarisme et libéralisme

tirées que la philosophie de la solidarité nous fait le plus utilement réfléchir.

Et, en effet, de cette idée générale, que l’organisation sociale doit se subordonner au libre développement des personnalités humaines, des doctrines variées se sont accommodées ; la même formule individualiste a servi d’enseigne à des morales et à des politiques très différentes.

C’est ainsi qu’on a longtemps étayé par l’individualisme une théorie étroite et sèche de la justice. Il faut respecter par-dessus tout, disait-on, l’égale liberté des hommes. Laissons donc faire, laissons passer ces égales libertés. Les individus n’ont d’autres obligations que celles qu’ils s’imposent, dans l’échange des services, par des contrats dûment formulés. Do ut des. Il appartient à l’autorité publique de garantir le respect de ces contrats, mais ce n’est nullement son office de rétablir l’équilibre entre le fort et le faible. La justice n’a rien à voir avec la charité. Si, malgré tout, pour soulager les misères trop flagrantes, des institutions de bienfaisance paraissent indispensables, que du moins ce « système caritatif », comme disaient les économistes, reste à part, et ne vienne pas troubler et comme affoler l’ensemble du système social. Ce mécanisme, qui doit aller par poids et par mesures, serait