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solidarisme et libéralisme

la société, à lui conférer du moins une manière d’existence supra-individuelle ; il use, qu’il le veuille ou non, du réalisme social, tout autant que le socialisme a jamais pu en user.

Aussi bien n’est-il nullement démontré que le socialisme ait besoin, pour justifier sa politique, d’une philosophie qui pose, au-dessus des individus, une entité quelconque. En fait, tout aussi bien que les solidaristes, les socialistes se défendraient d’avoir voulu diviniser l’Etat. N’ont-ils pas été jusqu’à annoncer qu’après la disparition des classes, l’Etat, comme un organe inutile, s’atrophierait et s’éliminerait spontanément ! En tout cas, ils ne posent en aucune façon, sous quelque forme que ce soit, la collectivité comme une fin en elle-même ; ils ne lui reconnaissent aucun droit, pourrait-on dire, mais seulement des devoirs : c’est pour garantir à tous le respect de leurs droits individuels qu’ils réclament la refonte de l’organisation sociale. Jusqu’à quel point croyez-vous cette refonte possible et désirable ? Voilà, pourraient dire les socialistes, ce que pour vous classer il nous importe de savoir. Trêve à ces discussions sur l’être et le non-être de la société : il ne s’agit là, après tout, que de façons de parler : et ce sont les façons d’agir qui nous intéressent.