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solidarisme et libéralisme

sonnifier eux aussi la société ; ils inclineront eux aussi les individus devant une réalité supérieure et extérieure à chacun d’eux, qui leur survit connue elle les précède. Il est remarquable, en effet, que lorsque la doctrine insiste sur la dette qui incombe à chacun d’entre nous, ce n’est pas de tel ou tel individu qu’elle nous constitue débiteurs. C'est la résultante des efforts accumulés et entremêlés d’innombrables inconnus qui nous a portés au point où nous en sommes. C’est sur le legs des générations successives que nous vivons. Puisqu’elles ont passé, nous ne saurions donc payer notre dette à nos vrais bienfaiteurs ; mais nous la reporterons sur l’ensemble de la postérité. Nous nous acquitterons envers ceux qui ne sont plus en travaillant à l’intention de ceux qui ne sont pas encore. Nous prouverons notre reconnaissance aux morts en nous efforçant de conserver et de perfectionner ce qui reste d’eux, les institutions sociales qu’ils ont formées. En un mot, c’est envers la société même que le sentiment de notre dette nous amène à nous reconnaître des devoirs. C’est par là, remarque M. Buisson, c’est par cette pensée de l’ensemble que se distingue de l’altruisme le solidarisme proprement dit. Lorsque le solidarisme spécule sur cette pensée, il tend naturellement à personnifier