Page:Bouglé - Solidarisme et libéralisme, 1904.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
solidarisme et libéralisme

société cette part de ses biens, cette part de lui-même qui vient de la société ; mais cette part une fois taillée, qu’il dispose du reste à son caprice ; qu’il donne à ses facultés et à ses propriétés l’emploi qui lui plaira : personne n’a plus barre sur lui. Condition du progrès social aussi bien que du développement personnel, cette liberté est la borne sacrée devant laquelle toute « socialisation » doit s’arrêter.

C’est ainsi, en commentant les caractères de la personnalité humaine, seule indubitablement réelle et seule respectable infiniment, seule cause et seule fin véritables, que la philosophie de la solidarité prétend se distinguer de la tradition collectiviste. — Mais cette double distinction est-elle bien rigide ? et beaucoup qui se réclament pourtant de cette tradition, ne pourraient-ils aisément, soit sur le chapitre du réalisme social, soit sur le chapitre de la liberté individuelle, tomber d’accord avec les partisans du solidarisme ?

Il importe d’observer d’abord que si les fondateurs de la doctrine ont tout fait pour la dégager du réalisme social, il n’y a entre elle et lui aucune incompatibilité essentielle. Bien au contraire : pour exprimer certaines de leurs idées directrices, les solidaristes se trouveront quasi fatalement amenés à per-