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solidarisme et libéralisme

social et par la théorie de la liberté individuelle.

On accuse d’ordinaire les socialistes de personnifier la société et de former ainsi un grand Être idéal, dans la main duquel ils mettent tous les droits des individus. Dans l’étude qu’il a consacrée à la France, M. Bodley, citant précisément un discours dans lequel M. Bourgeois déclarait naguère qu’entre la Révolution française et les idées collectivistes, il n’y a pas d’accord possible, ajoutait qu’en effet « le socialisme, c’est, comme le mot l’indique, la suprématie de l’Entité sociale sur l’individu, l’absorption du citoyen par la collectivité, enfin, la conception directement opposée au système individualiste consacré par la Déclaration des Droits de l’homme ». Le solidarisme est en garde contre ce réalisme social. Craignant par-dessus tout de retomber dans le péché métaphysique, il ne veut, sous aucune forme, personnifier la collectivité. Seuls, les individus sont, à ses yeux, des êtres vivants, et toute la réalité sociale consiste dans leurs rapports mutuels. On accuserait donc à tort les partisans du solidarisme d’être portés à multiplier les droits de l’Etat : à vrai dire, ils ne lui reconnaissent pas d’existence distincte. L’Etat n’est, à aucun degré, pour eux, comme pour les hégéliens, une sorte d’être