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solidarisme et libéralisme

ce superflu est le plus souvent le fruit de l’iniquité. Durant ce long passé qui a préparé et préformé l’organisation sociale actuelle, l’idée de justice dormait encore. Elle ne s’était pas levée pour commander aux hommes de respecter le quasi-contrat, et de mesurer les avantages aux mérites acquis ou aux services rendus. Franche ou déguisée, la violence gouvernait le monde et distribuait les biens et les maux sans souci des droits et connue au hasard. Une accumulation d’injustices pèse donc sur les épaules des déshérités d’aujourd’hui. Il importe de les soulager d’abord de ce poids, si l’on veut que le règne de la justice arrive. En un mot, elle n’est pas seulement à établir, mais à rétablir. Et ceux qui ont bénéficié de l’ordre social ancien ont une dette préalable à acquitter envers ceux qu’il a opprimés. Il leur faut « réparer ».

C’est l’instrument de cette « justice réparatrice »[1] que le solidarisme, instruit par l’expérience, est en train de forger pour le mettre aux mains de la société future : et l’on voit que l’organisation qu’il nous prépare, si elle n’est pas absolument conforme à

  1. C’est l’expression que M. Fouillée a, croyons-nous, employée le premier en traitant des rapports de la charité avec la justice.