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solidarisme et libéralisme

tions à la prétendue dette. Celui dont la vie n’est qu’une misère continuelle est-il vraiment débiteur de la société ? Sa dette ne devient-elle pas une quantité négative ? Dette le livre, nous disiez-vous, et dette l’outil. Mais le livre, on nous l’a arraché des mains avant que nous avons eu le temps de l’achever ; l’atelier nous a enlevés à l’école, et nous enlève au foyer. Quant à l’outil, il a grandi, il s’est perfectionné, mais il ne nous appartient plus. C’est par nous, non pour nous, que la machine travaille : collective de sa nature, elle reste propriété individuelle. Et des appropriations de ce genre condamnent toute une classe à la vie précaire et perpétuellement menacée du salariat.

Ainsi, pourrait-on dire, à la table de la solidarité, le spectre de la lutte des classes revient s’asseoir. Le solidarisme est du moins obligé d’avouer que le poids de la dette sociale est fort inégalement réparti. Elle pèse, sans doute, sur tous ; mais, — on le fit remarquer avec insistance au Congrès de l’Education sociale, — si l’on veut que la doctrine soit comprise et acceptée des ouvriers, il importe d’ajouter qu’elle pèse sur tous à des degrés divers, et qu’elle doit être acquittée par chacun des contractants, suivant ses facultés. Tenant compte de ces indications, M. Bourgeois reconnaîtra que