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solidarisme et libéralisme

aurait à s’imposer des remaniements profonds.

Dans une société juste, il faut que tous puissent vivre, et d’une vie humaine ; Si l’égalité des salaires n’est ni possible ni désirable, il y a un minimum d’existence que la société doit d’abord assurer à chacun de ses membres. Mais il ne suffit pas que ce minimum soit assuré, il importe encore que chaque associé puisse exercer son activité en utilisant ses aptitudes naturelles, qu’il trouve un travail qui lui permette, en subvenant à ses besoins, de développer ses facultés. Bien plus, pour qu’il puisse mettre en lumière et en valeur ses facultés mêmes, encore faut-il qu’il ait goûté de la vie spirituelle, qu’il ait été appelé à participer, dans la mesure de ses capacités, à ce trésor intellectuel et moral qui est le patrimoine de tous : « La gratuité de l’enseignement à tous les degrés est, en un mot, une des conséquences premières de la solidarité sociale. » Il faut aller plus loin. On doit s’élever toute sa vie. Si l’homme est asservi de l’aube à la nuit au travail mécanique, il ne peut plus jouir vraiment de la liberté de son esprit et de son cœur ; il ne peut plus « cultiver son jardin ». Il importe donc que ses heures de travail soient limitées, pour qu’il ne manque pas à cette incessante éducation de soi-même qui fait la noblesse de l’homme.