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solidarisme et libéralisme

seraient d'autant plus désirables qu’on voit parfois tel ou tel propriétaire, non seulement profiter du travail de tous, mais encore léser directement les intérêts et annihiler, en quelque sorte, les droits de tous. Que devient, en face de l’autorité du chef d’un trust, la liberté des pauvres gens ! « Le trust, c’est du collectivisme au profit d’un seul. A ce compte, s’écrie M. Bourgeois, j’aimerais mieux l’autre, qui est au profit de tout le monde. » Les monopoles, établissant une situation privilégiée au profit d’une catégorie particulière de producteurs, devraient donc être rigoureusement interdits. Que si la nature des choses ou la complexité de la civilisation en rendait quelques-uns inévitables en fait, qu’il soit du moins bien entendu qu'ils seront exploités au profit de l’ensemble, et non d’un ou de plusieurs particuliers.

Ainsi, ce n’est pas seulement dans certains cas exceptionnels de nécessité publique, — guerre ou disette — que le solidarisme nous fait prévoir une réglementation de la vie économique. Pour satisfaire à son sentiment de la justice sociale, il aurait besoin d’interventions beaucoup plus fréquentes, et comme plus normales. C’est qu’en effet, les droits qu’il reconnaît aux déshérités sont tels, que la société, pour les respecter pleinement,