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solidarisme et libéralisme

Mais comment se fait-il que nous exigions cette proportion même sinon parce que, en un sens, nous reconnaissons préalablement à tous les hommes une égale valeur ? Nous ne serions pas si préoccupés d’établir des relations justes entre ces termes, si chacun d’eux ne se posait d’abord devant nous comme une sorte de fin en soi. « Sous les inégalités de toutes sortes, différences de sexe, d’âge, de race, de force physique, d’intelligence, de volonté, il y a, entre tous les membres de l’association humaine, un caractère commun, identique, qui est proprement la qualité d’homme, c’est-à-dire d’être à la fois vivant, pensant et conscient. » De là découle leur égalité de valeur dans le droit social. C’est ce titre commun, privilège également partagé aux êtres raisonnables, que M. Bourgeois mettra de mieux en mieux en vedette. Il sera amené à emprunter, pour l’exprimer, les formules mêmes de Kant. Et l’on reconnaîtra que le sentiment qui anime la doctrine solidariste et lui communique sa vertu moralisatrice n’est autre que le sentiment de la dignité essentielle de la personnalité humaine.

Ce sentiment lui-même n’en implique-t-il pas un autre ? Si la personnalité humaine nous apparaît comme éminemment respectable, c’est sans doute à cause de l’œuvre