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solidarisme et libéralisme

l’objective et la subjective, la naturelle et la contractuelle, et à classer méthodiquement les sentiments aptes à faire passer l’humanité de la première forme à la seconde.

Au premier rang est le sentiment de la justice. C’est autour de lui que, dans son rapport au Congrès de 1900, M. Bourgeois fera tourner toutes ses déductions. « Il faut que la justice soit. » « L’homme conçoit et veut la justice, il veut que son bonheur corresponde à son mérite, et qu’à mérite égal, ses semblables soient traités de la même façon. » Il assigne à la société le devoir, non pas, certes, d’effacer les inégalités naturelles entre les hommes — tâche impossible — mais au moins de ne les aggraver par aucune inégalité d’origine sociale. Il faut que tout handicap de ce genre ait été éliminé pour que les contrats qui se passent entre membres d’une société soient valables ; car il n’y a de contrats valables que là où il y a équivalence dans les causes du consentement ; or il n’y a de véritable équivalence que là où les parties sont également libres et également dépourvues de tout privilège extérieur. Une société n’est juste — c’est-à-dire le quasi-contrat social n’y est librement consenti par tous — que si tous y ont le sentiment qu’elle distribuera les sanctions dont elle dispose au prorata des mérites personnels.