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solidarisme et libéralisme

sur de pareils exemples, la figure de la Solidarité moderne ressemble singulièrement à celle de la Fatalité antique, justement redoutée des hommes. Au moins faut-il reconnaître qu’elle est loin d’être toujours et également bienfaisante : elle souffle le chaud et le froid ; elle propage le mal comme le bien.

Si du moins elle distribuait le mal et le bien suivant les mérites ? Mais il est difficile, à considérer les faits, d’attribuer à la loi naturelle de la solidarité on ne sait quel obscur désir de punir le vice et de récompenser la vertu. L’extension dune ville, en augmentant la valeur de certains terrains, enrichit tels propriétaires. Les transformations d’une industrie, en rendant inutile certaine habileté technique, ruinent telle catégorie d’ouvriers. Qu’ont-ils fait cependant, les uns ou les autres, pour mériter leur bonheur ou leur malheur ? Les mêmes forces qui élèvent les uns au hasard écrasent les autres au hasard. Elles ne visent donc pas plus la récompense de l’individu que le bien général de l’humanité. Livrées à elles-mêmes elles ne sont, comme M. Bourgeois lui-même en fera l’observation, qu’un mécanisme sinon injuste, du moins « ajuste ». Pour qu’elles produisent de la justice, il est nécessaire que la volonté de l’homme en prenne la direction.

Mais il faut noter encore que, pour hâter