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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

la famille noble, à l’étroit sur la terre paternelle, qui explique cette multiplication de raids dont celui de Guillaume le Conquérant fut le plus réussi ? — M. Langlois encore, si ardent pourtant à chasser les généralisations qui se logent, dit-il, comme des microbes dans les jointures de l’œuvre historique, parle de l’évolution normale qui transforma les Parlements en Parlement, ou du perfectionnement de l’institution monarchique par la loi naturelle de la division du travail. Pour expliquer l’attitude du patriciat bourgeois au xiiie siècle il montrera que cette haute bourgeoisie cumule les défauts inhérents à l’aristocratie nobiliaire et à l’aristocratie d’argent. Pour démontrer l’innocence des Templiers, il invoque la psychologie des sectes, qui font des martyrs.

On pourrait multiplier les exemples. Ceux-ci suffisent à nous prouver que les historiens les plus circonspects font de perpétuelles allusions aux propriétés générales des formes, tant éphémères que durables, de l’association. Ils ont beau se défendre d’assimiler, d’abstraire et de généraliser ; presque à chaque page, nous pourrions prendre ceux qui se défient le plus de la sociologie en flagrant délit de sociologie inconsciente.

Mais, précisément parce que, dans la plupart des cas, les historiens ne sont sociologues qu’à leur corps défendant, sans le savoir ou sans le vouloir, on comprend que leur sociologie doive être, dans la plupart des cas, rudimentaire. Précisément parce qu’ils se défient a priori de l’assimilation, de l’abstraction, de la généra-