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QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

Vous attendez « quelque chose ». Puis vous vous échauffez ; vous voilà qui criez comme tout le monde, comme tout le monde vous gesticulez. Devant vous on casse des vitres : vous jetez votre pierre. On poursuit, on assomme un malheureux : vous lui portez votre coup. On détèle les omnibus, on abat les kiosques, on dépave les rues ; et vous aussi, rouge de fatigue et d’enthousiasme, vous collaborez à la barricade. — Rentré chez soi, après de pareilles équipées, on se sent quelque peu gêné, en ne se reconnaît pas : « Cet énergumène qui a hurlé, brisé, assommé, est-ce bien moi, paisible bourgeois ? Non, j’étais sorti de moi-même. Comme mon corps, mon âme était soulevée et portée malgré moi par la vague humaine. Pour m’imposer des actes aussi contraires à mes habitudes et à mes idées, je ne sais quelle force supérieure m’entraînait victorieusement. »

Lorsque nous nous livrons à de pareilles réflexions, nous faisons déjà — peut-être comme M. Jourdain faisait de la prose, — de la sociologie. Cet examen de conscience, qui nous force à chercher en dehors de nous-même la raison de ce qui s’est passé en nous, ne nous met-il pas sur la voie des faits sociaux ? Cette « force supérieure », si nous n’avons pu la définir précisément, nous l’avons vivement ressentie : dans notre exaltation même, si nous n’avons pas compris encore sa nature et le mécanisme de son action, nous avons perçu du moins, incontestablement, son existence. Et c’est pourquoi nous la comparons à ces forces physiques dont la nature est mal définie, encore que leurs effets soient patents : on parlera des communications « magnétiques » qui s’établissent entre les esprits rassem-