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QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

qu’elle se contente de montrer les conséquences des formes sociales, il faudra encore qu’elle en découvre les causes.

À vrai dire, essayer de fixer les causes de la société en général, ce serait risquer de s’enfermer dans les hypothèses invérifiables. Il faudrait pouvoir saisir un moment de l’histoire où la société n’existerait pas encore alors seulement, assistant en quelque sorte à sa genèse, il nous serait loisible de noter les antécédents nécessaires à son apparition. Et sans doute des sociétés se créent en quelque sorte sous nos yeux, — compagnies financières, armées, associations charitables, — dont nous pouvons observer la formation et discerner les éléments constituants. Mais ces éléments eux-mêmes, une longue vie sociale les a façonnés ; ces sociétés nouvelles ne sont sans doute possibles que grâce aux facultés acquises par les individus dans les sociétés anciennes ; nous risquerions par suite, en généralisant et résultat de ces observations actuelles, de traiter comme causes premières de la société des phénomènes qui en seraient bien plutôt des effets.

Force serait donc, pour découvrir les causes véritables, de remonter jusqu’à l’origine première des sociétés : c’est-à-dire, puisque cette origine échappe forcément à l’observation, que nous en sommes réduits, ici encore, à la spéculation. Notre attention est-elle attirée surtout par ce qui, dans la société « se fait tout seul », ou par ce qui, dans la société, est « fait exprès » ? Dans le dernier cas nous penchons vers le rationalisme, dans le premier vers le naturalisme sociologique. Celui-ci représente avec vraisemblance toute société comme un organisme raffiné, pendant que celui-là dans toute société retrouve un contrat sous-entendu. L’expérience