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QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

gouverneur anglais, ont pu aisément accepter l’idée d’une Providence, d’une sorte de gouverneur divin qui veille sur l’ordre général. Sir Lyall ne doute pas que la paix anglaise, lorsqu’elle aura partout substitué, de la sorte, l’organisation à l’anarchie, n’achève le paganisme hindou. « Le ciel s’harmonise avec la terre » ; et la cité divine est faite à l’image des sociétés humaines.

Que les chefs-d’œuvre de l’art, à leur tour, soient souvent modelés par les formes de la société, c’est une vérité cent fois démontrée aujourd’hui. L’état social de nos petites cours du Midi explique pourquoi la poésie de l’amour noble y est apparue ; l’état social de nos villes du xve siècle, pourquoi le théâtre y a prospéré ; l’état social de nos salons au xviie siècle, pourquoi le genre « moraliste » y a fleuri. Les « facteurs sociologiques » apparaissent de plus en plus nettement comme les plus déterminants de « l’évolution des genres ».

Depuis longtemps, Burckhardt a montré tout ce que les arts plastiques doivent à la constitution des villes d’Italie, à leurs révolutions, qui mélangeaient les différentes couches de la population, à leurs tyrans, qui s’appuyaient sur le talent, à défaut de la naissance. Plus récemment, on appliquait à l’histoire de la musique les idées si souvent appliquées à l’histoire des autres arts. Dans un Oratorio de Hœndel, aux variations régulières, au rythme impeccablement soutenu, on nous invite à reconnaître l’image d’une société calme, organisée en une hiérarchie acceptée de tous ; dans une suite de Schumann, au thème plus âpre, au rythme plus irrégulier, où chaque variation s’affranchit et s’emporte, l’image d’une société plus divisée, tendant