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QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

collèges funéraires de l’empire, des esclaves présidents ou trésoriers, leurs sentiments à l’égard de l’esclavage se transformèrent insensiblement. C’est le fait d’appartenir au royaume en même temps qu’au fief qui délivra peu à peu le vassal des obligations féodales. Ainsi les différentes sociétés dont nous dépendons limitent et parfois neutralisent réciproquement leurs influences ; si bien que la multiplicité des cercles sociaux a pu être considérée — c’est la thèse de G. Simmel — comme le facteur constitutif de l’indépendance des personnalités.

Autant et plus que leur multiplicité, l’homogénéité ou l’hétérogénéité de leurs membres, la stabilité ou l’instabilité de leur organisation colorent diversement les mœurs. Dans une société ouverte, mélangée, où des gens de races et de conditions très différentes s’entrecroisent, comme dans telle grande ville du Levant, la morale risque d’être flottante, mobile et comme relâchée ; elle sera plutôt rigide, au contraire, inflexible, et comme pétrifiée dans une société fermée, qui repousse tout élément hétérogène. L’instabilité de l’organisation sociale ébranlera les mœurs, comme à Rome après Pharsale. Son caractère démocratique les adoucira, comme à Athènes au ve siècle. Chaque régime a sa vertu, disait Montesquieu. C’était dire que les formes sociales modèlent en quelque sorte la morale.

Elles modèlent jusqu’à la religion. Il y a des différences nécessaires entre une religion de secte et une religion d’État. Par des voies détournées, la seule extension du nombre des croyants peut agir sur les croyances, en les rendant moins particulières, moins précises, moins concrètes. Stuart Mill a remarqué que les parti-