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PRÉFACE

un pas sur la terre. Il me suffit, pour donner mon âme à l’œuvre d’enseignement, de savoir que cette œuvre peut produire dans la société, non certes un changement à vue, instantané et absolu, mais des progrès graduels.

Il est donc faux que la philosophie sociale, en nous replongeant en quelque sorte dans le courant de l’histoire, doive fatalement éteindre en nous le sentiment de notre puissance : et l’on peut soutenir au contraire qu’elle avivera heureusement le sentiment de notre responsabilité. Ces efforts conscients et méthodiques que les sociétés nous chargent de faire pour préparer leurs membres à la vie, elle nous rappelle que ce sont, dans la réalité sociale, choses relativement rares ; nous devons en conclure que ce sont choses infiniment précieuses. Beaucoup de forces, nous dit-elle, sont capables de contrecarrer celles dont on nous a remis le maniement : manions donc celles-ci avec d’autant plus de scrupule ; tâchons, en cherchant leur meilleur point d’application, d’en obtenir le rendement maximum. La société marche le plus souvent dans la nuit : élevons donc le plus haut, afin qu’elle rayonne le plus loin possible, la lumière qu’elle nous a confiée.

Ainsi la philosophie sociale nous invite à nous souvenir sans cesse que nous ne sommes pas seulement, dans nos écoles, des individus formant des individus : nous représentons, nous sommes vraiment la société, la société d’aujourd’hui préparant la société de demain. C’est dire que nous ne devons pas tenir uniquement