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LA DIVISION DU TRAVAIL

Mais il reste que nous trouvons le moteur de ces ébranlements psychologiques dans des phénomènes « extérieurs » et que, par suite, pour découvrir les déterminantes de la conduite humaine, nous ne jugeons plus suffisant de nous replier sur nous-mêmes : c’est sur la masse des phénomènes historiques qu’il nous faut porter nos regards, pour y discerner les causes proprement sociales.

Dans ce chaos, diverses disciplines essaient depuis longtemps, chacune suivant sa voie, d’introduire de l’ordre. Nous avons vu que la sociologie n’aurait garde, sous prétexte de rechercher des terres inexplorées, de négliger les résultats de leurs efforts. Elle essaie seulement de compléter et de coordonner ces résultats. D’une part elle met en relief les différentes formes que peuvent prendre les rapports entre les hommes, et auxquelles les études de l’économie politique, de la philologie ou de l’ethnographie ne touchaient qu’accessoirement et comme accidentellement. D’autre part, elle essaie de distinguer et de classer, de replacer en un mot à leur rang les différents phénomènes d’ordre technique, ou proprement économique, ou juridique, ou politique, mis au jour par les recherches spéciales.

En ce sens, on peut dire que la sociologie essaie, pour sa part, d’obvier ou de remédier aux inconvénients de la division du travail scientifique, en suivant la méthode dont l’expérience de la vie sociale révèle la supériorité : elle ne cherche pas à gouverner les sciences historiques du dehors, et en leur imposant les conclusions de spéculations qui leur resteraient extérieures ; c’est du dedans, et en s’assimilant leurs conquêtes, qu’elle cherche le meilleur moyen de les organiser.