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PRÉFACE

consciencieux mais « conscients », c’est-à-dire capables de déterminer eux-mêmes le rapport de leur fonction à la vie des sociétés, et familiers avec cette pensée de l’ensemble sans laquelle, disait Mirabeau, on peut être fort honnête homme, mais aussi le pire ennemi de tout progrès. C’est dire que la pédagogie ne saurait se passer du secours de la philosophie sociale. En nous élevant, grâce aux marches taillées par les sciences sociales diverses, jusqu’à ces hauteurs d’où l’on voit se déployer la constitution et se dérouler l’évolution des différents groupements humains, celle-ci nous aidera à situer, pour ainsi dire, notre fonction dans notre société, et cette société parmi les sociétés, et les sociétés dans la nature : ainsi saurons-nous mieux d’où nous venons, où nous allons, où nous en sommes ; et cette sorte de sentiment sociologique vivifiera tous nos enseignements.

Mais peut-être craindra-t-on, au premier abord, qu’à mesurer ainsi la place de l’école dans la vie, et à confronter le système pédagogique avec l’ensemble du système social, nous ne soyons découragés par l’étroitesse relative de notre cercle d’action ?

À en croire l’opinion publique, tout au moins l’opinion contemporaine, ce cercle serait immense. L’école n’a-t-elle pas été présentée, là comme la grande organisatrice de la victoire, et ici comme la grande pourvoyeuse du crime ? Tous les partis ne répétent-ils pas que celui qui tient l’école tient la société tout entière ? On croirait, à lire certains articles ou certains discours, que la question sociale n’est en son fond qu’une question d’enseignement.

Il est vraisemblable que la philosophie sociale commencera par limiter en effet cette conception trop large