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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

alors, entre les uns et les autres, les conditions de la concurrence ne sont pas égales. L’intervention des « facultés » sociales trouble le libre jeu, le juste concours des facultés naturelles. Dès lors la division du travail est contrainte, et non spontanée.

Et ainsi il y a bien des chances, les uns étant tout portés et les autres presque écrasés par la force des choses, pour que l’adaptation des aptitudes aux fonctions soit mal réalisée. En d’autres termes, là où il n’y a pas égalité dans les conditions extérieures de la concurrence, il n’y a pas liberté véritable dans le choix des fonctions ; et la cohésion sociale est par là menacée. Il ne suffit donc pas pour qu’elle soit assurée que les travaux soient divisés : il faudrait encore que les conditions fussent égalisées.

Par un autre chemin nous rencontrons une conclusion analogue. Dans les sociétés où le travail est très divisé il importe par-dessus tout, puisque de plus en plus les relations entre individus y prennent la forme contractuelle, que les contrats soient formés en pleine liberté. Cela est nécessaire pour que le respect en soit garanti non seulement par la force des lois mais par l’union des consciences. Que si nombre d’individus ne contresignent les contrats qui règlent leur activité que contraints et comme à leur corps défendant, l’ordre social est ébranlé. Or à quelle condition est-on sûr que les contrats seront, de part et d’autre, librement consentis ? À la condition qu’il y ait équivalence dans les « causes » du contrat : à la condition que les objets ou les services échangés soient bien d’égale valeur, et tels que les parties contractantes accepteraient au besoin de changer de place. Mais imaginez maintenant une inéga-