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LA DIVISION DU TRAVAIL

économique, et les classes d’autrefois, qui découlaient directement de l’organisation politique, les différences sont profondes, et qu’on ne peut plus soutenir que les sociétés vont se différenciant, comme les organismes, à mesure qu’y progresse la division du travail.

En réalité, au fur et à mesure de ces progrès, c’est un phénomène nouveau, inconnu aux organismes, qui se développe : ce n’est pas la différenciation, c’est ce que nous avons proposé d’appeler la complication sociale. On voit diminuer le nombre des groupes fermés qui embrassaient l’individu tout entier et commandaient à toutes ses activités, tandis qu’augmente le nombre des groupes ouverts, auxquels l’individu n’adhère que par un côté de sa personne et ne consacre qu’une partie de son énergie, — auxquels il peut participer sans leur appartenir. En un mot, de plus en plus les cercles qui se dessinent à l’intérieur d’une société s’entre-croisent ; et aux points d’entre-croisement de ces cercles se dressent les individus, différents les uns des autres par cela même que diffèrent ce qu’on pourrait appeler leurs collections de groupements. En ce sens, et lorsqu’elle se réalise ainsi par une multiplication des cercles sociaux, c’est l’individualisation que la division du travail favorise. Elle accroît, par la diversité même des rapports qui les relient, les petites différences qui séparent les personnes ; mais elle ne sectionne plus les sociétés en organes nettement tranchés. Elle concourt à la différenciation individuelle bien plutôt qu’à la différenciation sociale.


Que la division du travail soit en effet, en même temps qu’un principe d’émancipation pour l’individu.