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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

que la critique socialiste de la division du travail poussait trop loin son pessimisme. Elle avait du moins le mérite de substituer le point de vue « personnel » au point de vue « réel », et de faire remonter l’attention des marchandises aux producteurs, des choses aux individus.


Mais pour arriver à un point de vue vraiment social il fallait se poser une question plus large encore et se demander quelle devait être l’influence favorable ou néfaste de la division du travail, non plus seulement sur le développement des individus considérés en quelque sorte chacun à chacun, mais sur leurs relations réciproques, sur les modalités de leur groupement, en un mot sur l’organisation sociale elle-même.

Ici encore ce qu’on a d’abord aperçu c’est l’influence dispersante de la division du travail, c’est son pouvoir de séparation et de différenciation. Le prestige de la biologie y prédisposait sans doute les esprits. Dans le corps social comme dans le corps animal on cherchait à retrouver les organes nettement séparés qui devaient correspondre à la distinction des fonctions. C’est ainsi qu’on en venait à attribuer à la spécialisation la division de la société non seulement en classes mais en races distinctes.

« Les progrès de l’industrie, disait sir Robert Peel, vont créer une nouvelle race d’hommes. » Suivant certaines théories anthropo-sociologiques, il faudrait prendre cette pensée à la lettre et la généraliser. De tout temps l’exercice des différents métiers a entraîné le développement d’aptitudes différentes, qui s’enregistrent dans l’organisme et se transmettent par l’hérédité. Le