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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

nullement l’union de travail. A fortiori ces différentes formes ne s’excluent-elles pas les unes les autres.

Ainsi on peut soutenir que la décomposition du travail est un phénomène caractéristique de la grande industrie. Il ne peut se développer librement que là où sont concentrés des ouvriers assez nombreux, comme dans les grands ateliers modernes. Ses plus remarquables progrès sont déterminés par le passage de la manufacture à la machinofacture. C’est ainsi que dans la cordonnerie, tandis qu’une manufacture proprement dite ne compte qu’une dizaine d’opérations distinctes, une fabrique en compte près de cinquante. Ce n’est pas à dire toutefois que dans ses phases antérieures l’industrie ignore cette analyse. Les grandes familles antiques, avant même qu’il leur vînt l’idée de produire pour d’autres que pour leurs membres, avaient des ateliers où la spécialisation des besognes était déjà poussée très loin. On verrait de même que la production des livres dans les monastères du moyen âge, ou des armes dans la cour de certains rois sauvages suppose une décomposition du travail assez avancée.

Inversement on peut soutenir que le phénomène de la formation des professions appartient aux premières phases de l’évolution économique. Il est caractéristique de la période où l’on passe de l’économie domestique à l’économie urbaine. C’est à ce moment, avec l’établissement des marchés et la constitution d’une clientèle, que la plupart des métiers — travailleurs du fer et du cuir, de la terre cuite et du bois, — se détachent de la famille. Croit-on cependant que le phénomène ait définitivement cessé ? La famille perd encore chaque jour quelques-unes de ses attributions. Le blanchissage, la