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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

tions organisatrices par le soin avec lequel il discute les positions habituelles de ce qu’il appelle la morphologie politique[1]. Il y aurait un grand intérêt, même pratique, pense-t-il, à démêler les effets normaux des formes de gouvernement qui, en vertu de la constance de ces formes, ne sauraient manquer de « prévaloir à la longue dans les résultats moyens et généraux, quelle que fût la variabilité des forces actives, et les résultats de leur action dans chaque cas particulier ». Il semble malheureusement que ces formes résistent jusqu’ici aux essais de classification et de coordination scientifiques. Mais peut-être cet insuccès tient-il à ce qu’on n’a pas su choisir, pour définir ces formes, les caractères vraiment dominateurs. On se contente le plus souvent de reproduire la distinction formulée par les philosophes grecs entre les trois formes régulières de gouvernement : monarchie, aristocratie, démocratie. En réalité, « un chef qui agit, ou un conseil qui délibère, ou la foule des individus intéressés qui tantôt acclame et tantôt se mutine », ces conditions formelles n’ont rien de particulier aux pouvoirs politiques : on les retrouve dans toutes les manifestations de la vie sociale ; elles tiennent à l’essence même de la société ou de l’association, soit qu’on prenne ce mot dans un sens politique, juridique, militaire, commercial, civil ou religieux. D’un autre côté, si l’on reste attaché à cette classification, on risque de ranger sous la même rubrique des gouvernements tout différents de procédés et d’esprit, comme les monarchies de l’Asie et celles de la Grèce, la république des Hébreux et celle des Américains.

  1. Traité. II, 196.