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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

plus humain, c’est-à-dire qu’il s’accommode mieux aux principes de la raison universelle, et à ce qu’il y a de plus général dans les conditions de la nature humaine, abstraction faite des nécessités de certaines conjonctures et des habitudes locales[1] ». Ce n’est pas assez dire que de remarquer que le droit devient plus logique, en passant de la phase de la coutume à la phase des codes. Celle-ci même est bientôt dépassée, pour que le droit devienne plus pratique. La multiplicité indéfinie des décrets et règlements administratifs, plus immédiatement utilisables, se substitue à la belle ordonnance des constructions des juristes.

On peut définir le sens général de ces transformations diverses en disant qu’en toute matière sociale les points de vue de l’économiste tendent à prédominer. Ce qui se mesure prend de plus en plus d’importance aux yeux de tous. La société s’organise désormais de manière à laisser passer les intérêts positifs. Ils finiront par prévaloir même sur les passions politiques. Et l’on peut prévoir un moment où la tâche de l’État consistera en effet dans « l’administration des choses bien plutôt que dans le gouvernement des personnes[2] ». Dans cet ordre aussi on verra se vérifier les lois si apparentes dans l’histoire de la monnaie, qui montrent comment triomphe finalement « la commodité d’un système uniforme[3] ». La part des préférences traditionnelles, celle des influences proprement morales et politiques ira en

  1. Ibid., II, 182 ; Matérialisme, 312.
  2. Cournot n’emploie pas lui-même cette expression, empruntée au vocabulaire socialiste, mais elle résume assez exactement sa pensée.
  3. Revue sommaire des doctrines économiques, p. 160.